Dernière mise à jour : 30 septembre 2022
J’ai rencontré Cindy lors de mon tour du monde en 2015. On a fait connaissance dans un hôtel de Oulan Bator. Cindy était sur la route depuis peu de temps mais avais en tête de voyager pendant 2 ans. C’est à son retour en France que nous sommes devenues amies et n’avons pas manqué une occasion de nous retrouver autour d’un bon verre lors de ses passages réguliers à Paris. Puis Cindy a adopté le rythme des saisonniers : elle travaille en station à Tignes en hiver et repart voyager en été. Principalement pour pratiquer l’une ses passions : la randonnée.
C’est donc en avril 2019 qu’elle s’envola direction Los Angeles, bardée de plus de 20 kilos d’affaires sur le dos, pour vivre l’une des plus belles et courageuses (ça c’est moi qui le dit !) aventures de sa vie : parcourir le Pacific Crest Trail (PCT pour les intimes). Ce trek, long de 4 264 kilomètres relie la frontière du Mexique à celle du Canada à travers les parcs nationaux de l’Ouest des États-Unis. De nombreux randonneurs parcourent ce sentier chaque année, enchaînant les kilomètres par des dénivelés incroyables, bravant la chaleur de la Californie, la neige de la Sierra Nevada, la pluie de l’Etat de Washington, les moustiques, les crotales, les ours, ou autres loups.
Je suis admirative du courage et de la volonté qu’il faut pour faire ce trek, seule qui plus est. C’est pourquoi, aujourd’hui j’ai décidé d’interroger Cindy, afin qu’elle puisse nous raconter sa fabuleuse expérience.
Elle a parcouru le Pacific Crest Trail aux Etats-Unis : Interview de Cindy
Salut Cindy ! D’abord pour commencer peux-tu parler un peu de toi : qui es-tu, d’où viens-tu ? Depuis combien de temps randonnes-tu ?
Cindy, 40 ans depuis peu, je viens de l’Est de la France, un petit village en Franche-Comté. Pour les randonneurs du PCT je suis Gipsy Rainbow car là-bas tout le monde reçoit un nom de trail que l’on ne choisit pas. Bien sûr on a le droit de le refuser, mais moi j’ai trouvé que celui-ci m’allait plutôt bien.
Concernant la randonnée, c’est un peu flou. Je pense que ma 1ere rando en indépendante était en Août 2008, dans les Gorges du Verdon. Auparavant, j’avais pour habitude de courir beaucoup (environ 10-15 kms 3 fois par semaine) mais suite à une blessure à la cheville, j’ai dû arrêter. Du coup je suis partie explorer les Gorges à pied, en marchant (Sentier Martel, sentier de l’Imbut et sentiers des pêcheurs que je recommande). C’était vraiment top ! L’année suivante, je suis partie pour Chamonix. Je rêvais de voir la mer de glace depuis que j’étais petite, ça me fascinait. Et là encore je ne me suis pas posée de question, j’ai tout exploré à pied.
A ce moment, je ne pouvais plus courir du tout, je pense que la randonnée m’a aidé à compenser. Et par la suite, au retour de chaque voyage, je partais dans les Alpes me ressourcer, même si j’avais randonné durant mon voyage.
Pourquoi as-tu souhaité faire le PCT ?
En fait je recherchais des randonnées en Islande, et j’ai acheté le livre, Randos autour du monde du Lonely Planet. En le feuilletant, j’ai lu quelques lignes sur le PCT, à peine un encart de 5 lignes je pense. Je me suis dit je veux faire ça !
Quel a été ton parcours ?
J’ai tout simplement suivi le sentier classique du PCT, sans contourner la Sierra malgré une année record en chute de neige. Ça démarre à Campo, à la frontière Mexicaine, d’où l’on voit d’ailleurs « le mur », puis termine à la frontière Canadienne.
Mais là il faut encore continuer jusqu’à Manning park au Canada, 13 kilomètres plus loin pour pouvoir sortir. Car le monument de fin du PCT se trouve au milieu de nulle part. Vous me direz après en avoir marché 4264 kms, on n’est plus à ça près !😜
Préparer le Pacific Crest Trail: équipement et sécurité
Comment as-tu préparé le Pacific Crest Trail ?
Étant saisonnière je marchais déjà beaucoup en travaillant dans un restaurant, mais c’est tout. Ah si pardon je suis montée 2 fois travailler à pied, soit 900m de dénivelé positif. C’est peu comme préparation. Mais en démarrant tranquillement, il n’y a pas de problème. Honnêtement, je pense que physiquement, tout le monde peut le faire. Mentalement, c’est différent par contre…
Peux-tu nous parler de ton équipement pour faire le Pacific Crest Trail ?
Pour ce qui est de l’équipement, j’avais déjà presque tout avant de partir. Les trois points essentiels pour préparer votre sac sont :
- un sac à dos solide, d’environ 50L, voire un peu plus.
- un sac de couchage pour les 3 saisons, avec une température de confort à -5° minimum
- Et le plus important : les chaussures ! Soyez sûrs d’avoir des chaussures qui vous conviennent. Car si vous avez déjà quelques ampoules en une journée de rando, imaginez la répétition des journées de marche, ajouté à cela la transpiration dans le désert, les pieds mouillés par la pluie, les traversées de rivière ou la marche dans la neige : ça peut vite devenir un cauchemar.
Quant au poids de mon sac, il faisait environ 12,5 kg avec 4-5 jours de nourriture (dont un pot de beurre de cacahuète, essentiel pour moi 😜) mais sans eau par contre. Concernant la Sierra, comme il faut prévoir plus de nourriture, le « Bear canister » ou « boîte anti-ours », un piolet et des crampons, je pense que j’ai porté environ 17 kg. Par contre il y a de l’eau partout donc pas besoin d’en porter beaucoup. Surtout, pensez à garder un peu de place dans votre sac pour le « bear canister », qui est obligatoire dans la Sierra Nevada.
Pour finir si j’ai un conseil à donner concernant l’équipement : faites-vous votre propre avis, testez encore et encore ! Ce qui convient à une personne ne convient pas forcément à d’autres. Pour ma part, j’ai trouvé un juste équilibre entre confort et légèreté. Mon sac était plus lourd que la plupart des randonneurs souvent partisans de la chasse aux grammes, mais j’ai tout de même fini le trek…
Et la sécurité sur le parcours ?
Personnellement, je suis partie avec un GPS muni d’un bouton SOS, qui me permettait aussi d’envoyer ma position. J’avais un ami pour le backup, qui la recevait tous les soirs après ma journée. Il avait pour consigne de faire quelque chose si je ne lui envoyais pas ce message 2 jours de suite. Heureusement, ce n’est pas arrivé. Mais j’avoue que c’était quand même plus pour rassurer ma famille…
Pour le reste, le sentier est assez sûr, les attaques d’ours ou de pumas sont plutôt rares. Et les serpents à sonnette, savent nous alerter si l’on empiète sur leur territoire !
As-tu toujours marché seule ou bien as-tu rencontré d’autres randonneurs comme toi ?
Il faut savoir que depuis la diffusion du film « Wild », issu du livre du même nom, le sentier est malheureusement très couru. Il faut un permis pour pouvoir le faire. Ceux-ci sont délivrés par la PCTA. Ils en délivrent 50/jour de Mars à Juin, ce qui veut dire que 50 personnes par jour démarrent le trek. Donc oui, il y a du monde, laissant ainsi la possibilité de rester seul si on le souhaite, ou de marcher en groupe si on trouve quelqu’un avec qui on accroche…
Concrètement, j’ai marché seule les 95% du temps. J’aime aller à mon rythme et n’apprécie guère les contraintes. En revanche, je n’ai que très peu bivouaqué seule, dans la mesure où en général, les randonneurs cherchent à se poser dans des endroits stratégiques…
Es-tu toujours en contact avec les personnes que tu as rencontrées sur le Pacific Crest Trail ?
Oui, avec certains Français, pour le reste, Instagram simplement, mais par expérience, je sais que je les reverrai si j’en ai l’occasion à mon prochain voyage aux USA. Et je suis aussi toujours en contact avec le couple de « Trail Angel » qui m’a hébergée quand j’étais blessée au tout début (tendinite aux 2 tendons d’Achille).
Quel est ton plus beau souvenir du Pacific Crest Trail ?
Tout ! Mais peut-être plus simplement la vie sur le trail. Avec un retour à l’essentiel : marcher, boire, manger, dormir. Le matin quand on se lève, pas de question à se poser. Le retour à un mode de vie simple me plaît beaucoup.
Sinon, j’ai aussi été marquée par la générosité des Américains vis-à-vis de nous trekkeurs. Je ne compte pas le nombre de personnes qui m’ont aidée, offert un ride, un lit, à manger, une bière (oui, quand on nous offre une bière à 9h du matin, on ne refuse pas !), un soda, un hug… Que de bons souvenirs !
Peux-tu citer un ou deux endroits qui t’ont vraiment émerveillée ?
Crater Lake d’abord, le peu que j’ai vu de l’état de Washington (d’ailleurs, il va falloir que j’y retourne 😉) et toute la Sierra. Juste magnifique !
Raconte-nous ta plus grosse galère ?
Ma plus grosse galère, c’est quand j’ai bu de l’eau contaminée. J’étais à ce moment quasiment incapable de marcher et très déshydratée. Le tout à un endroit où le 1er exutoire du PCT était à 16 kilomètres, avec les 10 derniers kms sans approvisionnement en eau possible. 10 kms sans eau, c’est rien, mais à mon rythme, j’aurais sans doute été obligée de passer la nuit dans cette zone. Et je n’étais pas en capacité physique de porter cette eau à ce moment-là ! Pour la 1ère fois, j’ai dû appuyer sur le SOS de mon GPS.
Et ta plus grosse peur ?
La 1ère fois que je me suis faite avertir par un crotale. J’en avais vu plein auparavant, mais toujours avant qu’ils ne me voient, du coup je faisais l’écart ou attendais qu’ils s’éloignent. Celui-ci m’a sévèrement averti. Le truc, c’est que je l’entendais mais ne pouvais le voir. Je dois avouer que j’ai fait ½ tour et couru… Pour en rire ensuite, bien entendu !
Tu as parcouru le Pacific Crest Trail en une seule fois. Quel a été ton rythme quotidien ?
Oui avec 2 pauses pour blessure : 9 jours de pause après 160 kms seulement, pour mes talons d’Achille, et 5 jours à Bend après une nuit à l’hôpital pour avoir bu l’eau contaminée.
En tout, il m’a fallu 162 jours dont 140 de marche. J’ai pris seulement 8 jours de repos (blessures à part).
Quel était le climat ? Tu n’as pas souffert de la chaleur ou de la neige ?
Pour le coup dans le désert, c’est plutôt le froid qui m’a surpris, même si j’ai eu quelques sections très chaudes où j’ai parfois porté jusqu’à 6 litres d’eau.
La neige, bien que 2019 fut une année record, ne m’a pas plus embêtée que ça dans la Sierra car j’ai l’habitude. Mais je pense que le plus dur a été l’état de Washington avec la pluie, le froid, le vent, le brouillard et la neige. J’ai tout eu ! Des journées entières à marcher sous la pluie, sans voir personne, parler à personne. C’est là que le mental joue ! Les spécialistes préviennent toujours : la neige dans l’état de Washington n’a rien à voir avec celle de la Sierra, et c’est vrai.
Comment faisais-tu pour dormir ? Te réapprovisionner en nourriture et eau ? Te laver ?
Pour dormir sur le parcours, je bivouaquais dans ma tente . Quand j’en sortais, je dormais dans des auberges ou chez des « trail angel ». Ce sont des volontaires qui se proposent d’aider les trekkeurs.
Pour me réapprovisionner en nourriture, je faisais du stop pour aller dans des villes proches du PCT. Quant à l’eau, je la puisais dans les sources, rivières ou lac (j’avais un filtre bien sûr).
Pour me laver ?? Ahahah ! Alors c’est seulement lorsque je passais en ville, environ tous les 4 à 10 jours. Mais sur le PCT on est tous logés à la même enseigne. Il ne faut pas se voiler la face, on pue !! D’où notre appellation de « hiker-trash ».
Quel est le budget nécessaire pour faire le Pacific Crest Trail ?
Ça dépend un peu. Personnellement, lorsque j’étais en ville, je n’hésitais pas à me payer des bières, burgers ou autres. Les hôtels coûtent aussi très chers… Et en ce qui concerne ma nourriture, même sur le trail, j’essaie toujours de manger sainement, pas question de noodles à toutes les sauces. Du coup, ça coûte plus cher aussi ! De toute façon la nourriture aux États-Unis est chère. Je crois que je suis à environ 900$/mois, mais avec moins de nuit en ville, et une nourriture plus basique, je pense que c’est possible avec 500$/mois.
Que dirais-tu à quelqu’un qui hésite encore à se lancer ?
Fonce !
Sais-tu déjà quelle sera ta prochaine randonnée ?
Covid-19 oblige, mes projets de cet été ont été recentrés sur la France. Ayant toujours voulu faire le GR20, je me suis dit que j’allais partir de chez moi à pied jusqu’à la Méditerranée en combinant plusieurs GR qui m’attirent depuis longtemps. Là, je vais essayer de trouver un bateau et continuer avec le GR20. Mais je dois avouer que le PCT a un peu changé ma vision de la randonnée. Déjà après le GR10 que j’ai fait dans les Pyrénées, j’avais du mal à envisager des petits treks. Aujourd’hui encore plus, je suis attirée par les sentiers de grande randonnée. La prochaine sera certainement le Te Araroa en Nouvelle-Zélande, ou bien le Continental Divide Trail… Bref, il y en a tellement !
Un grand merci à Cindy qui a pris le temps de répondre à mes questions et de partager avec nous son incroyable expérience. Je vais continuer de suivre ses exploits avec plaisir ! Vous pouvez suivre ses prochaines randonnées sur Instagram @cyn_discovers.
Le matériel de Cindy pour le Pacific Crest Trail
- Sac à dos Osprey EJA, 58L
- Tente Hornet 2P de Nemo
- Sac de couchage 4 saisons, Cumulus Panyam 600
- Chaussures de trek Moab 2 GTX de Merell
Préparer le Pacific Crest Trail : liens utiles
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Si vous souhaitez à votre tour témoigner sur le blog sur une expérience particulière, n’hésitez pas à me contacter.
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A très vite !
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6 Comments
Fan de rando et de voyage, ces conseils sont top pour préparer notre futur voyage aux Etats-Unis, je trouve votre blog vraiment génial et plein d’infos utiles sur cette destination.
Merci pour le partage.
La Rando
Merci beaucoup pour ce message qui me touche beaucoup. J’espère avoir votre retour d’expérience ici quant à votre voyage aux USA! A très bientôt.
Ce fameux pacific crest trail ! Merci d’avoir partagé cet interview, c’était super intéressant ! Ca doit être une expérience hors du commun à vivre ! Je suis admirative du parcours de Cindy et tous ceux qui font des randonnées comme celle-là ! Bravo !
Salut Enora! Merci pour ton commentaire. Oui moi aussi je suis très admirative, c’est pourquoi je tenais à partager cette expérience. Ca me paraît fou! Et pour Cindy, tellement facile et anodin! :
Je découvre ce reportage sur le Pct j’avais vu le film mais la personne qui m’en a parlé c est cindy elle même que j’ai rencontré un soir dans un gîte sur la gtj .J’ai 65 ans je randonne depuis plusieurs années mais j’envie tous les jeunes qui partent seuls aux 4 coins du monde .pour moi il est un peut tard .merci pour ce beau reportage .continuez à nous faire « rêver pour ma part.brigitte
Ah mais c’est génial ça! Merci pour votre message. Je vais moi même parcourir un petit bout de la GTJ très bientôt!